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Innovation sociale et changement de société

D 16 septembre 2015


Quelques éléments autour de l’intervention de Cliss XXI, à l’occasion du salon Créer, et à l’invitation du Conseil départemental du Pas-de-Calais.

À l’occasion du salon Créer, le Conseil Départemental du Pas-de-Calais a proposé à Cliss XXI de participer au temps fort organisé le 15 septembre de 9h30 à 11h00, sur le thème de L’innovation sociale au coeur de l’entrepreneuriat (voir notre article de présentation, ainsi que la galerie photos de l’initiative

Nous reproduisons ci-dessous quelques notes sur lesquelles s’est appuyée notre intervention.

L’innovation sociale a le vent en poupe

  • elle est au coeur des développements sur la modernisation de l’action publique
  • elle est au centre des politiques menées au nom de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) ou du développement durable
  • l’ESS (Économie Sociale et Solidaire) entend en faire une marque de fabrique (innovation sociale = R&D de l’ESS)

L’innovation sociale est pensée comme un prolongement de l’innovation technologique, de l’innovation de service

  • en ce sens, et à rebours de ce qu’incarne une partie de l’ESS, l’innovation sociale n’est pas positionnée comme une réponse à la défaillance des marchés (réparation des dégâts du marché capitaliste), ni comme palliatif de l’action publique (mise en oeuvre de ce que l’action publique n’est pas capable d’assurer)
  • et donc, tout comme l’innovation technologique et l’innovation de service, l’innovation sociale est vue comme contributive à la croissance économique
  • avec une nuance : elle contribue à la croissance, mais une croissance enrichie de durabilité, d’acceptation sociale, de respect de l’environnement, de prise en compte du territoire, avec une gouvernance participative, etc...

L’innovation sociale est pensée sans changer le contexte

  • l’ensemble des discours de promotion de l’innovation sociale l’inscrivent dans des rapports économiques et sociaux inchangés
  • il s’agit toujours, pour l’innovation sociale, de contribuer à la création de valeur, d’encourager l’esprit d’entreprise, d’obtenir un avantage concurrentiel, ...
  • en cela, il n’y a rien d’étonnant à ce que le libéralisme encourage l’innovation sociale, puisque les cadres structurants du libéralisme ne sont pas impactés
  • on a ainsi une innovation sociale qui fait référence à des façons de faire, des pratiques, sans changer le contexte dans lequel elle se déploie
  • on parle d’innovation parce que ce sont des solutions différentes (de la norme habituelle) qui sont mises en avant, mais, pour autant, il n’y a pas de remise en cause du système, du capitalisme

Pour une innovation sociale qui vise à transformer le contexte

Quant à nous, nous souhaitons la promotion d’une innovation sociale de transformation :

  • l’innovation sociale n’est pas seulement une recette, une mise en oeuvre de bonnes pratiques, qui opéreraient dans un système économique et social inchangé
  • les catégories fondamentales du capitalisme sont la valeur, le travail, la marchandise et l’argent ; ce sont ces catégories que l’innovation sociale doit interroger, pour les dépasser
  • et c’est vraiment d’actualité : de nombreuses initiatives de la société civile exigent des changements dans les cadres institutionnels, pour construire un nouveau modèle de société, inclusif, solidaire, écologique, ...
  • typiquement, il peut être fructueux de s’inspirer des diverses formes de l’expérience autogestionnaire, des projets utopistes de critique du salariat, de critique du capitalisme, de critique de l’industrie ; notamment : ne pas être prisonnier du travail, partager les tâches et les responsabilités, mettre en oeuvre la rotation des postes et la polyvalence
  • et pour aller plus loin : fonctionner ensemble, sans patron, en développant la solidarité et le plaisir de faire, pour toutes et tous, en prenant en compte les notions d’échelle, de mesure, de limite
  • et encore : transformer la vie quotidienne de chacune et chacun des protagonistes, salarié-es, bénévoles ; remettre en cause les hiérarchies, les inégalités, reprendre prise sur sa vie ; reprendre son économie en main, son mode de vie, sa socialisation : ça concerne tout le monde
  • l’innovation sociale c’est aussi l’expérimentation sociale et la transformation sociale

Bref : alors que le capitalisme encourage l’innovation sociale, en en désamorçant tout esprit critique, nous, nous souhaitons inscrire l’innovation sociale dans le dépassement du capitalisme

L’innovation sociale, en pratique, à Cliss XXI

Nous sommes une entreprise de nouvelles technologies, insérée dans le capitalisme, et soumise à des lois et des contraintes... Certes ! Mais, sans attendre, nous nous efforçons de tirer des fils qui sont autant de ruptures avec le système :

En interne

  • contre la division technique et sociale, à l’oeuvre dans la société et dans nos organisations, nous privilégions un travail d’équipe, au sein duquel chacun-e est à la fois, ou tour à tour, concepteur et réalisateur, dirigeant et exécutant
  • rotation des postes : nous pratiquons la gérance tournante, avec élection chaque année ; en pratique, la même personne est gérant-e durant deux ans
  • égalités des salaires
  • polyvalence, avec l’idée de ne pas affecter des types de tâches donnés à une personne donnée
  • gestion de son temps de travail par chacun-e
  • encouragement à alléger son temps de travail, pour améliorer sa vie quotidienne

Vers l’extérieur

  • la coopération, et non la compétition, avec d’autres organisations similaires, en région
  • la participation à des réseaux coopératifs tels le réseau REPAS, basés sur l’autogestion, le compagnonnage ; à noter : les prochaines rencontres du réseau auront lieu en région, début novembre 2015
  • notre investissement dans la création du réseau La Prise, une mise en réseau de lieux et d’initiatives consacrés à la création et au développement d’activités collectives, et avec l’émancipation comme finalité
  • notre investissement, depuis son origine, dans la Foire à l’autogestion, et dans la création du LAG (Lieu Auto Géré)
  • La mise à disposition de l’ensemble de nos réalisations (il est vrai que c’est d’autant plus facile qu’elles reposent sur des logiciels libres)
  • nos activités d’éducation populaire (débats Penser Ensemble, Foire aux Install’, ...), mises en oeuvre par l’équipe Cliss XXI hors temps salarié
  • les coups de pouce au sein du territoire, à d’autres organisations qui débutent, dans le choix de nos partenaires, dans l’accueil de stagiaires...
  • notre engagement dans des projets de territoire (par exemple dans la mise en oeuvre d’une radio associative de territoire)

En guise de conclusion... provisoire

Quelle est la forme actuelle du capitalisme ?

  • effondrement du marché du travail
  • essor de l’économie informelle
  • destruction des systèmes de solidarité sociale
  • ...
    Face à cela, de très nombreuses personnes, notamment parmi les jeunes, n’ont pas envie de faire carrière dans la conception de jeux vidéos, la gestion de fonds spéculatifs ou la bureaucratie des smartphones : elles s’efforcent de trouver une place à la lisière de diverses économies informelles, en expérimentant la possibilité de vivre autrement, avec les limites qu’elles y trouvent.

C’est sur ces bases que l’innovation sociale, au sein de l’ESS, peut trouver de bons points d’appui ; il s’agit alors d’amorcer une nouvelle vague d’innovations, qui prenne en compte la crise qui affecte l’ensemble du système capitaliste, en ayant pour visée son dépassement.